Quand Rudloff parlait du conflit avec les voitures, il parlait de comment relier avec un tram en surface le centre-ville au centre du Neudorf et au centre de Schilick, Bichheim et Hoenheim. C’est impossible, et ça manque toujours. Il a toujours encore raison.
Retrouvé en mars 2019 ce livre de 1994 sur internet: www.adeus.org/productions/strasbourg-chroniques-durbanisme/files/chroniques_urba.pdf
Je l’avais acheté, mais le livre gomme le dossier du métro VAL, mais peu aussi sur le dossier tram: que les grands axes de la politique des transports.
Le plus intéressant dans ce livre est définitivement l’interview vers la fin de Marcel Rudloff (maire du métro VAL de Strasbourg de 1983 à 1989, victime d'une alternance politique), dont voici ci-dessous l’extrait le plus intéressant. Remarquons que Marcel Rudloff ne prononce hélas jamais le mot métro mais toujours uniquement le mot VAL… alors que c’est un vrai métro (mobilité décarbonée explose: capacité double et vitesse moyenne triple du tram, etc...)
L’interview est à savourer et reste complètement d’actualité: une des rares analyses intelligentes à Strasbourg depuis 1989 sur les transports en commun de Strasbourg.
Le SDAU (schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme) proposait un transport en commun en site propre, sans préciser les choix techniques. Estimez-vous qu'il aurait été possible de revenir sur ce principe ?
M.R. - L'histoire de ce transport en commun remonte au ministre Cavaillé dans les années soixante-dix. Il avait annoncé une prise en charge de l'Etat à 50 % pour les villes qui restructureraient leur système de transports en commun. Jean-Claude Burckel a saisi cette occasion pour lancer un dossier de système innovant de transport en commun par rapport au bus en circulation. Le tramway était le procédé proposé : il était propre et redevenait original. Des délibérations de principe ont alors été prises successivement en vue de la réalisation d'un transport en commun avec des passages souterrains plus ou moins longs. Tout au long de cette période antérieure à mon accession à la présidence de la CUS, une participation de l'Etat à 50 % était toujours à l'ordre du jour alors qu'elle s'est révélée quasiment irréalisable. Mon prédécesseur a ainsi pu dégager la responsabilité de sa municipalité. De fait, le grand défenseur du dossier a été Jean-Claude Burckel. C'est grâce à lui qu'il y a eu un dossier tramway, puis un dossier VAL, car les autres élus étaient, sinon hostiles, du moins réservés.
Un an après mon élection, le dossier est arrivé sur mon bureau et on m'a affirmé qu'il y avait risque de perdre les crédits éventuels de l'Etat si nous ne décidions pas une proche réalisation. Nous avons repris les études avec une option «souterrain long» (de la place de l'Homme-de-Fer à la place du Corbeau). Nous sommes allés à Nantes voir fonctionner le tramway, mais personne n'en est revenu convaincu ; il faut dire que celui-ci n'était à ce moment-là à Nantes qu'une liaison de ceinture et qu'il circulait uniquement en périphérie.
C'est en 1986 (ndr: pas avant? la ville a choisi le métro VAL en 1985) qu'Antoine Weil, alors directeur de Matra Transports, a pris contact avec moi pour me soumettre l'option VAL. Avec ses collaborateurs, il nous a convaincus que le tramway en surface était passéiste, tandis que le VAL était une solution moderne. Nous sommes allés à diverses reprises à Lille et nous avons été unanimement impressionnés par la perfection du système. En réalité, le vrai problème était et est toujours de savoir si le transport en commun doit se faire en souterrain ou en surface. Nous avons pensé que seul le souterrain était compatible avec les exigences de la vie urbaine et qu'il évitait de défigurer la ville. Ensuite, le VAL nous paraissait préférable au tramway. Oserais-je dire que je ne rougis pas de ce choix ?
- Il y avait également une contrainte financière...
M.R. - Oui. Sans doute y avait-il également un problème de coût, mais il n'était pas insurmontable. Au cours d'une entrevue personnelle, le Premier ministre Jacques Chirac m'avait annoncé la participation de l'État à raison de 580 millions de francs hors taxes pour la première tranche. Cependant, à l'approche des élections municipales de 1989, j'ai suspendu l'avancée du dossier qui avait jusque-là cheminé normalement. Certains me le reprochent encore, mais j'estimais que la démocratie m'imposait de ne pas rendre le dossier irréversible à quelques mois d'une consultation des électeurs.
- Mais vous êtes convaincu qu'il fallait un transport en site propre à Strasbourg ?
M.R. - Oui. Je pense simplement que, s'il s'agit de faire circuler un transport en site propre en surface, il est inutile de faire des investissements lourds. Autant prendre de simples mesures réglementaires de limitation ou d'interdiction de circulation des voitures particulières dans certaines artères. De toute manière, je reste persuadé qu'un jour arrivera où le souterrain actuellement mis en place pour le tramway sera prolongé non seulement pour la traversée du centre mais pour la desserte de Schiltigheim et de Neudorf. Passer en surface, c'est limiter la circulation des voitures et l'accès aux faubourgs. Ce qui est en cause, ce n'est pas la technique du tramway par rapport à la technique du VAL, mais c'est le transport en surface par rapport à un transport souterrain. La difficulté sera de relier Schiltigheim, Neudorf et le centre d'Illkirch, et je donne rendez-vous à ce moment-là aux détracteurs du transport souterrain.
On a parfois du mal à comprendre la position de certains opposants... Dans ce dossier, je ne suis pas «dans l'opposition», je suis au-delà de l'opposition. Dans l'opposition on peut parfois être incohérent. Je me permets de rappeler qu'Alfred Muller, alors dans l'opposition, s'est abstenu dans le vote sur le VAL. Roland Ries n'était pas clairement «anti-VAL». Seul André Fougerousse était vraiment opposé à notre solution. Non pas parce que cela ne desservait pas Ostwald mais simplement il était clairement anti-VAL. Il était le seul véritable opposant au projet dans le conseil de la Communauté urbaine de l'époque.